Chris St-Pierre — Initiative de journalisme local – APF – Ontario

 

KAPUSKASING – Les banques alimentaires ontariennes en régions rurales ou éloignées se préparent pour un temps des Fêtes exceptionnellement difficile en raison des nouveaux défis imposés par la pandémie. En plus de suivre les mille et une mesures sanitaires pour assurer la sécurité des utilisateurs, ces organismes ont dû s’adapter à un paysage changeant. L’hiver s’annonce long et ardu d’après l’organisation Feed Ontario, et le temps presse pour régler de gros problèmes.

«Plus la pandémie avance, plus la demande augmente»

Carolyn Stewart, directrice générale de Feed Ontario, précédemment l’Association des banques alimentaires de l’Ontario, souligne que les banques alimentaires en région éloignée sont déjà confrontées à des défis supplémentaires en temps normal.

Ceux-ci incluent : le prix de la nourriture, l’emplacement géographique, des heures d’ouverture restreintes, et, surtout, l’accès difficile aux ressources.

La COVID-19 n’a épargné personne en Ontario, y compris les organismes qui luttent contre l’insécurité alimentaire. Feed Ontario a remarqué un manque de bénévoles à bien des endroits et les mesures sanitaires ont limité ce que les banques alimentaires peuvent faire. Les services offerts par ces entités sont de plus en plus sollicités depuis mars dernier et leurs fonds commencent à disparaître.

Carolyn Stewart dirige l’organisme Feed Ontario depuis 2016. (Crédit : Courtoisie Feed Ontario)

«Leurs levées de fonds se font souvent à travers de rassemblements et activités communautaires, comme des soupers ou des collectes de denrées en partenariat avec des écoles, explique la directrice générale. Les événements qui permettent à ces organismes de survivre et d’acheter les ressources nécessaires tout au long de l’année n’ont pas eu lieu [en 2020]. Elles ont dû modifier leur approche afin de trouver de nouvelles façons d’obtenir de l’aide et de l’appui.»

Mme Stewart note que quelques organismes se sont tournés vers le Web pour amasser des dons monétaires et ainsi renflouer leurs tablettes. Cette méthode ne suffit toutefois pas à pallier le manque à gagner puisque les dons, autant en denrées qu’en argent, sont à la baisse depuis le début de la pandémie.

Les gouvernements provincial et fédéral ont depuis répondu à la pénurie en offrant des ressources et du financement.

Le panier d’épicerie plus cher en 2021

Certains effets se font déjà sentir à la Banque alimentaire de Moonbeam, située dans le Nord-Est de l’Ontario. La présidente de l’organisme, Chantal Deschamps, indique avoir dû prendre des décisions difficiles.

«Ce n’est pas bien de dire ça parce qu’on veut magasiner localement, mais je ne vais pas acheter un céleri à 7 $ ici [à Moonbeam] quand je peux l’acheter à 2 $ à Cochrane, justifie-t-elle. Notre argent doit nous servir pour un an.»

Les banques alimentaires tentent de répondre à la demande, mais Carolyn Stewart craint que la situation ne s’aggrave durant le temps des Fêtes.

«L’utilisation des banques alimentaires a connu une hausse de 30 % depuis la récession de 2008, indique-t-elle. Ces statistiques n’ont pas baissé depuis et ne cessent de croître. Malheureusement, la pandémie a un important impact économique et Feed Ontario prévoit que la demande continuera d’augmenter durant le temps des Fêtes et l’année qui suivra. […] On s’inquiète que la demande surpasse la capacité du réseau de banques alimentaires en Ontario.»

Le Rapport canadien sur les prix alimentaires à la consommation 2020 prévoit qu’une famille canadienne devra dépenser en moyenne 695 $ de plus pour faire l’épicerie en 2021. La plus importante hausse de prix pourrait être enregistrée dans les sections des légumes et des viandes de même qu’à la boulangerie.

Les banques s’adaptent

À Kapuskasing, dans le Nord-Est de l’Ontario, le président de la banque alimentaire locale, Rick Bartlett, raconte que «la clientèle a augmenté un peu, mais peut-être pas autant que dans le Sud de la province» depuis le début de la pandémie.

La Banque alimentaire de Kapuskasing est gérée par le Club Rotary de Kapuskasing depuis plus de quatre ans. (Crédit : Chris St -Pierre)

La banque alimentaire en a profité pour bonifier un programme de bons alimentaires. Ces bons servent d’alternative aux paniers de nourriture afin de permettre aux clients de se payer l’épicerie dans un commerce local et ainsi se procurer de la nourriture qui correspond à leurs traditions des Fêtes.

Dans le village voisin de Moonbeam, la banque alimentaire a choisi d’adopter un système de rendez-vous en avril afin de limiter le nombre de personnes dans ses locaux en même temps. Les bénévoles sont depuis capables de gérer les clients avec aisance et d’après la présidente, Chantal Deschamps, «les gens ne se sont jamais plaints puisqu’ils comprenaient ce qu’affrontait l’organisme».

Les deux organismes s’attendent à être très occupés durant la pause des Fêtes, mais ils ont bon espoir que tout se déroulera comme prévu.